GÉNÉALOGIE 12 : Guillaume Couture (1617-1701)

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Texte de Marcel Le Boïté

Lorsqu’il m’arrivait de rencontrer le regretté maire du Conquet (1989-2001), Christian Couture, nous nous appelions « cousins », car nous savions qu’entre nous il y avait un lien de parenté, mais sans savoir à quel niveau il se situait.

Au mariage de mes parents, en avril 1909 – il y a cent ans – un des témoins de mon père était Charles Couture, qualifié de cousin. C’est de là que venait donc ce lien de parenté.

(Extrait de l’acte de mariage :

«    Couture Charles, cuisinier, âgé de vingt-huit ans, domicilié à Brest, soussigné, cousin du contractant. »)

En étudiant la généalogie de mon épouse Renée Durand, j’ai rencontré un autre COUTURE, mais qui n’a, je suppose, aucun lien avec le précédent. (Je n’ai fait aucune recherche à ce sujet).

 

Celui-ci se prénomme Guillaume, et son destin hors du commun, mérite qu’on s’y attarde un peu. Il est né vers 1617 à Rouen (paroisse de Saint-Godard), sous le nom de Cousture. Il est fils de Guillaume et de Madeleine Mallet. « En 1632, on croit qu'il accompagna le Père Le Jeune à Québec. En 1634, il suivait les Jésuites chez les Hurons et, en 1640, son nom est inscrit sur la liste des ‘donnés’. Dans le catalogue des emplois, tenu par les missionnaires, il figure tantôt comme menuisier, tantôt avec la simple indication ‘’ad multa’’: propre à tout.  L'émigré avait laissé en Normandie sa mère et sa soeur Marie: son père décédé avait légué quelques biens, entre autres des immeubles, sis à l'Haye-Aubray. Un oncle, tuteur des mineurs, les administrait. En 1641, Couture fit donation, devant notaire à Québec, à sa mère et à sa soeur de sa part d'héritage et leur accorda le pouvoir de contrôler la gestion de la tutelle. La même année, il retourna en Huronnie et, selon le récit du Père Jogues, revint avec lui au printemps de 1642. Le 1er août, nouveau départ avec le missionnaire et sa caravane. Le lendemain, un parti de 70 Iroquois les surprend à l'extrémité du lac Saint-Pierre. Dans l'engagement, Couture tire à bout portant un chef Iroquois qui tombe mort. Tous sont faits prisonniers, excepté les Hurons qui ont fui. La bande ennemie se jette sur le meurtrier, le dépouille de ses habits et le frappe à coup de bâtons; on lui arrache les ongles, on lui mâche les doigts, on lui perce la main, on lui scie l'index droit avec l'écaille d'un coquillage. Emmené à Tionnontagen des Agniers (*), on le confie à la veuve d'un chef, qui l'adopte. Pouvant aisément s'enfuir, il exhorte le Père Jogues à se sauver d'abord lui-même. Il apprit l'idiome et se conforma aux habitudes iroquoises. Après trois ans de captivité, on le choisit comme ambassadeur de la paix avec les Français : Couture, vêtu à l'iroquoise, se présenta aux Trois-Rivières avec la députation. Le traité conclu avec M. de Montmagny, Couture recouvra la liberté. Le 26 avril 1646, les Jésuites résiliaient aussi le contrat de ‘’Donné’’: néanmoins, en 1647, il les accompagne une dernière fois au pays des Hurons.

(*) AGNIERS ( Mohawks en anglais, Maquas ou Maquois en hollandais), forment l'une des tribus de la Confédération iroquoise ou des Cinq-Cantons [Cinq-Nations]. En 1650, on évalue leur population à 5.000 âmes environ. (L’Encyclopédie de l’histoire du Québec).

Dès lors, Guillaume Couture se fait défricheur et colon. François Bissot lui offre 200 livres. pour un corps de logis, au lieu appelé la Pointe de Lévy avec quantité de bois abattu (9 novembre 1647): il accepte et fonde un foyer, deux ans après (1649). En 1657, lors de l'établissement d'une mission aux Onnontagués, Couture fut employé dans les négociations : constamment il sert d'interprète et d'intermédiaire entre les gouverneurs et les indigènes. On lui a attribué une mission auprès des tribus du Nord, en 1661 : le document qui suit est irrécusable aussi, deux ans après.

«  Pierre d'Avaugour, lieutenant-général pour le roi en la Nouvelle-France, certifie avoir donné congé au sieur Couture, lui sixième, d'accompagner les Sauvages du côté du Nord, jusque et si longtemps qu'il le jugera à propos pour le service du roi et: le bien du pays; et pourra aller ou envoyer hiverner avec eux, s'il y trouve sa sûreté et quelque avantage pour le bien public. -Fait à Québec le 10 mai 1663. - signé Dubois d'Avaugour et scellé de ses armes. » (V. Bulletin des Recherches historiques, 1901.)

En 1665, Couture accompagnait aussi le Père Nouvel chez les Papinachois (sur la Côte-Nord. Le nom signifie ceux qui aiment rire). C'est dans une autre expédition au sud que, lors d'un naufrage qui jeta les missionnaires sur une pointe de terre, la Pointe-au-Père reçut sa dénomination. En 1666, le sieur de Chasy et Laumonier de Travecy furent tués, le 19 juillet, par un groupe d'Agniers. Le 22, Guillaume Couture partait de Québec comme ambassadeur auprès des autorités de la Nouvelle-Hollande pour se plaindre de ces meurtres, " arrivés nonobstant les assurances de trêve qu'ils nous avaient données ". (V. Journal des Jésuites) Van Corlaer, l'un des hommes les plus importants de la colonie, reçut fort bien le sieur Couture et lui donna des lettres pour M. de Tracy. Le délégué arrive à Québec " le 6 septembre, avec deux Agniers pour l'escorter ". Pendant ces longues absences, le colon de Lévy avait comme remplaçant Guillaume Durant. Il possédait aussi un logie dans la ville de Québec. Le recensement de 1667 lui reconnaît neuf enfants, vingt arpents en culture et six bestiaux. Tous les colons de la Pointe-Lévy élirent pour leur premier capitaine de milice Guillaume Couture. Puis il fut le premier juge sénéchal de la côte de Lauzon. En 1675, il sollicite de l'évêque un curé résidant à la Pointe-Lévy : mais les missionnaires Jésuites en eurent longtemps la desserte. En 1681, le père de dix enfants reçut la pension. annuelle de 300 livres. En 1690, le capitaine de la milice et ses hommes empêchaient la descente des troupes de Phipps à la côte Lauzon.

Note: Guillaume Couture est décédé le 4 avril 1701 à Hôtel Dieu de Québec.

Guillaume Couture, un donné

Les civils qui servaient les missionnaires Jésuites, sans avoir émis les voeux des Coadjuteurs.  Serviteurs dévoués, ainsi appelés, parce qu'ils se donnaient par contrat, sans recevoir aucun salaire.  La mission profitait de leur travail et s'engageait à pourvoir à leur entretien. Ils suppléaient les Frères Coadjuteurs de la Compagnie de Jésus, qu'il n'était pas possible de se procurer en nombre suffisant pour les besoins de la mission. Sans être membres de la Société de Jésus, écrit Bancroft, ils n'en étaient pas moins des hommes d'élite, prêts à verser leur sang pour leur foi. C'est, en effet, de ces rangs de Donnés que sortirent René Goupil, Guillaume Couture, Jean Guérin, et d'autres encore, dont les noms figurent glorieusement dans les annales de l'Église du Canada.

Note: Guillaume Couture a tellement fait bonne figure comme donné dans l'histoire de la Nouvelle France qu'un livre cite Guillaume comme ayant été canonisé avec le Père Jogues et le donné René Goupil. (Le Père Jogues et le Donné René Goupil oui ! mais pas Guillaume Couture ; NDLR)

Guillaume Couture, un notaire*

Deux courtes indications nous laissent voir que Guillaume Couture, le fameux interprète, y exerça la charge de notaire. L'inventaire de Leigne indique un acte du 30 septembre 1648 comme appartenant à l'étude de Couture. Le 16 novembre 1684, Jean Durant vend à Etienne Charest un certain terrain lui appartenant à la pointe de Lévy en vertu d'un contrat passé devant Maître. Guillaume Couture, lors notaire, en date du 17 octobre 1665.

Note:   Dans l'inventaire des papiers du notaire la Citière en 1729 (greffe Barbel), on retrouve ce titre de concession par Bissot devant Guillaume Couture en date du 17 octobre 1665.

Source: Histoire du notariat au Canada depuis la fondation de la colonie jusqu'à nos jours par Roy, J.-Edmond (Joseph-Edmond), 1858-1913.

Guillaume Couture, juge sénéchal

Comme juge sénéchal, il fallait décider les contestations, présider aux inventaires, apposer les scellés, remplir l'office de nos coroners d'aujourd'hui. La justice se rendait d'une façon paternelle, cependant les plaideurs en appelaient souvent des sentences des tribunaux des seigneurs au Conseil souverain. Nous pouvons dire que les justiciables de Couture paraissent avoir été satisfaits de son administration. Il est très rare de trouver des plaintes contre lui dans les délibérations du Conseil.

Lorsque le procureur général de Leigne fit en 1732 le relevé de l'études de Gilles Rageot, il y trouva un registre de quatre-vingt quinze feuillets contenant les sentences et autres actes de justice rendus par le juge de la côte de Lauzon, depuis le 5 novembre 1684 jusqu'au 17 novembre 1699. Ce registre est malheureusement disparu.

Guillaume Couture, capitaine de milice

Guillaume Couture déposait la toge de juge pour prendre le commandement de la milice. Le capitaine de milice était choisi par les colons eux-mêmes. En sa qualité de capitaine de la seigneurie, les proclamations et les ordonnances du gouverneur lui étaient adressées. Il les devait faire lire et afficher aux portes des églises et les mettre à l'exécution. Cet officier commandait aussi les corvées présidait aux dénombrements, surveillait les travaux des chemins, convoquait les assemblées des habitants. En 1690, le capitaine de la milice et ses hommes empêchaient la descente des troupes de Phipps à la côte Lauzon.

Sources: "Dictionnaire Général du Canada" par Le R.P.L. Le Jeune (1931)

 

Voici un extrait du Journal de l’ÂGE D’OR du Québec, publié en juillet 1980. Si la lecture de la reproduction paraît assez pénible, en voici la « traduction » :

Une famille de pionniers :

Les Couture au pays des hurons

Au XVIIème siècle en Nouvelle France, en territoire lointain et nouveau, en des forêts perdues et de vastes solitudes, des hommes remarquables, aux qualités éprouvées, vécurent dans le dénuement et les privations, exposés au péril chaque jour, et parvinrent à fonder le premier établissement européen à l’intérieur du Canada, Sainte Marie au pays des Hurons.

Au milieu des dangers, privés de tout, prêtres et laïques, saints et combattants, ils y organisèrent un lieu habité qui inspira le cours des événements et donnèrent l’exemple du courage, qui est aujourd’hui une qualité propre à tous les Canadiens.

La Province d’Ontario rend hommage à l’héroïsme des débuts de son histoire française et est heureuse de présenter cette attestation à Aline Couture

descendant de Guillaume Couture (Cousture) qui, par dévotion et sans aucune rémunération temporelle, se rendit en Huronie en 1638 et vécut à Sainte-Marie de sa fondation en 1639 à 1642, exerçant les métiers les plus divers dans la mesure de ses moyens et défendant Sainte-Marie contre ses impitoyables ennemis.

Il fut un charpentier expert, un tireur de mousquet de première classe et un jeune homme d’une piété sincère. Il devint par la suite coureur de bois, interprète, soldat et homme d’État, Compagnon des saints martyrs.

         (Signature du Premier ministre de la Province d’Ontario)

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Marcel Le Boïté

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